- ... Bonjour...
Qu'est-ce qui vous arrive?
J'ouvre
la bouche pour dire: maux de tête insupportables, hospitalisée depuis 4
jours, scan du cerveau, pansinusite aigue bilatérale, infection, fièvres,
vomissements, ponction lombaire...
Depuis 2
jours, au moindre mouvement, des méga-vagues déferlent dans ma tête, se
fracassent contre mon crâne, suivis de petits couteaux qui se plantent dans mon
cerveau. Je ne me supporte qu'en position couchée et encore, immobile.
Mes
pensées, ou les flots dans mon lobe frontal gauche, tentent de se transformer
en brave petit radeau, lequel, une fois dirigé vers ma bouche et expulsé,
devrait constituer un assemblage de mots appelé phrase. Si possible
cohérente. Échec lamentable. Le petit radeau se démantibule dans la région du
thalamus et devient ce mot de 7 lettres qui ne serait payant au Scrabble que
s'il était sur la case mot-compte-triple: DOULEUR!
Je
m'entends répondre: ...baaaaal à la tête...
Appuyant
le dire d'un geste vers mon crâne, j'accroche le fil du soluté. Tendre amoureux se précipite comme si ma vie tenait à ce fil. Puis explique à Belle d'Ivory:
- Le microbiologiste vient de nous dire que ce sont les effets secondaires de la ponction lombaire. Elle subira un ... quoi déjà?
- ...od batch, précise une voix d'outre-tombe que je crois reconnaître comme la mienne.
- Dans
2 jours, si les maux de tête continuent, elle subira un Blood patch, complète mon amoureux.
Les Blood patch ne font pas partie de l'univers surchargé des chirurgiennes en oncologie. Docteure B arbore des sourcils interrogatifs.
Reprenons du début. Comment une survivante du cancer du sein, agrémentée d'un trouble anxieux pathologique, parvient-elle à oublier complètement le but de sa visite annuelle à la docteure Belle d'Ivory, chargée de lui transmettre le résultat de sa mammo annuelle?
Cette
année, la mammo de février a été suivie d'une mammo agrandie, indice potentiel
d'un petit quelque chose qui cloche. Habituellement déclencheur d'insomnie et
de haute tension jusqu'à la micro-seconde où la docteure B ouvre enfin la
bouche pour prononcer un verdict d'acquittement.
Parallèlement,
une infection aux sinus mal soignée et, l'ai-je dit, douloureuse, me
conduisait aux urgences quatre jours avant le verdict mammaire annuel. Reléguant
aux oubliettes toute récidive du cancer appréhendée.
Votre
toute dévouée, mutée en immense nez sur deux pattes, était foudroyée, non pas
d'inquiétude, mais par une douleur sans nom à la tête. À son arrivée aux urgences, elle menaçait de se la
couper pour de bon, juste au ras du cou, si les médecins ne lui réglaient pas
son cas, là, tout de suite et plus vite que çà, nom d'une Bobinette.
Nous
voici donc étendue sur une petite civière de fortune dans une pièce FORTEMENT
ÉCLAIRÉE, assaillie des BRUITS INSUPPORTABLES causés par la discussion à voix
basse du couple à côté. Attendant le médecin en chef. Lequel, devant notre
regard agonisant et notre front volcanique, soupçonne une méningite. Voire
pire, après lecture des antécédents, des méta au cerveau.
D'où la
ponction lombaire.
La
ponction lombaire est pratiquée pour analyser le liquide céphalo-rachidien
(LCR) afin d'éliminer notamment le diagnostic de méningite, conséquence
possible de ma pansinusite bactérienne révélée par un scan du cerveau passé
entre deux vomissements. Identifier le ou les ennemis à combattre permet
de cibler l'antibiotique approprié.
La
ponction lombaire est un test invasif, fréquemment compliqué de céphalées, parfois
très sévères et invalidantes.
Devinez
qui est tombée pile dans le Parfois?
Selon
Wikipedia, ce syndrome post-ponction lombaire présente une intensité
maximale en position assise et debout, et diminuant en position
allongée.
Votre
toute dévouée précise que le qualificatif de maximale constitue un
euphémisme très, très réducteur.
Mais
alors, vous-dites-vous, en plein centre hospitalier, en plein centre urbain, en
plein vingt-et-unième siècle, ils n'ont qu'à la soulager cette atrocissime
douleur? Sachez que devant son intensité maximale, la morphine ou rien
du tout, c'est du pareil au même.
En deux mots, si d'aventure vous subissez ce syndrome: RESTEZ COUCHÉ. Soulagement immédiat. Le seul possible.
Vous
détenez une étonnante habileté à vous situer, dans toute statistique, en plein Parfois,
voire au coeur même du Exceptionnellement? Et 4 jours
d'immobilité totale ne suffisent pas à éliminer le syndrome post-ponction
lombaire d'intensité maximale? Le blood patch constitue le
traitement de référence de cette complication.
Il s'agit
de la réinjection du propre sang du patient au niveau du point de ponction
lombaire, permettant la cicatrisation de la brèche méningée. Un prélèvement
sanguin au pli du coude est effectué. Ce sang est réinjecté lentement entre la
4e et la 5e , ou entre la 3e et la 4e vertèbre lombaire (deux espaces
intervertébraux où on ne risque pas de toucher la moelle épinière). Je vous entends penser outch...
Mais on
hésite à pratiquer le blood patch. Les traitements des effets secondaires
comportent, eh oui, des effets secondaires! Lesquels sont éventuellement
solutionnés par des traitements comportant... etc. Ajoutez l'état
préexistant, l'interaction médicamenteuse, l'allergie à la pénicilline, et le plus audacieux des urgentologues se mue en... retardologue: nous
attendrons encore deux jours et si...
Mais coup de chance inusité pour Princesse-de-moins-en-moins-rebelle: deux
jours après le quatre jours fatidique conduisant au blood patch, le syndrome
s'est estompé. Lui épargnant le blood patch et ses effets secondaires, à défaut d'avoir évité l'intensité
maximale.
- Pardon
docteure, le microbiologiste nous attend pour
l'installation de mon antibiotique intraveineux à domicile.
Mon cocher met notre monture en route et j'adresse un furtif au-revoir
de la main à la docteure B.
- Mme
Labbé! s'écrie Belle d'Ivory stupéfaite.
- Mmmmmh?
fais-je, tournant à peine la tête en sortant.
- Votre
résultat!
Effort de
concentration. Mon résult...
- Ah oui!
La mammo?
- Tout
est beau Mme Labbé, pas de récividive du cancer!
- Tant
mieux... réponds-je distraitement, appliquée surtout à ne pas bouger la tête en
parlant.
Et c'est
ainsi que nous franchîmes mon 4e anniversaire de rémission du cancer du sein. Dans la plus totale
indifférence. Totalement absorbés par le nouvel ennemi de l'heure, encore non identifié: le streptocoque A!
Princesse
rebelle Sinusite.
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Je me
verse un thé. En prendriez-vous une petite tasse? Moment dubitatif.
Dites-moi... que pensez-vous de ce nouvel épisode?
Publié
par Princesse rebelle
Libellés: Art-thérapie bactérie, blood patch, cerveau, mal de tête, méningite, ponction lombaire,
sinusite, streptocoque A